
Inauguré en juin 2013 par l’ancien président de la république François Hollande, et situé dans le bassin de la joliette sur l’esplanade de l’ancienne emprise portière appelé « môle/quai J4. J pour Joliette » à proximité du vieux port de Marseille, le Mucem s’inscrit dans le cadre du projet urbain Euro-méditerranéen crée en 1995 par les collectivités locales dont le but est de pallier le déclin économique de la ville.
L’objectif du musée est double : d’une part de retracer les fondations antiques de la civilisation de ce bassin méditerranéen et les tensions qui le traversent jusqu’à l’époque contemporaine, d’autre part d’être un lieu d’échange des enjeux méditerranéens.
Le musée propose des expositions d’anthropologie, d’histoire, d’archéologie, de l’histoire de l’art et l’art contemporain aux publics sur les diverses perspectives du monde méditerranéen et de son échange permanent avec l’Europe.
Premier musée consacrée aux cultures de la méditerranée, il prend ses racines en héritant des collections du musée des arts et traditions populaires (ATP) de Paris, fermé en 2005 après 68 années d’existence. Le Mucem est entré dans le cercle des 50 musées les plus visités du monde dès 2014.
Un bâtiment qui mêle exploit technique et architecture contemporaine

Crédit photo : Mucem, Julie Cohen – Rudy Ricciotti et Roland Carta
L’architecture du bâtiment J4 a été pensée par Rudy RICCIOTTI (associé à Roland CARTA), il représente l’un des symboles du nouveau paysage de la ville de Marseille. La structure se compose en deux plans carrés insérés l’un dans l’autre. Le grand carré mesure 72m de côté dans lequel se trouve un autre carré de 52m de côté. L’ouvrage se déploie sur 16 500m² d’emprise dont 3 690m² est dédiée à l’exposition pour la découverte des civilisations de l’Europe et de la méditerranée. Ces 16 500m² sont réparties en 8 pôles associés aux fonctionnalités générales du musée qui sont :
- Espaces d’expositions
- Accueil
- Forum, salle de conférences
- Espaces pédagogiques
- Ateliers
- Bureaux
- Restaurants
- Circulation, sanitaires

Crédit image : Mucem – Rudy Ricciotti
Le bâtiment J4 est entouré de darses (bassins) et implanté face à la mer, il offre des vues panoramiques 360° sur le fort de Saint-Jean et la Méditerranée depuis le toit terrasse, les salles d’exposition vitrées ainsi que les rampes extérieures. Des passerelles aériennes, l’une de 115m de longueur reliant le bâtiment du môle/quai J4 et le fort de Saint-Jean et l’autre de 70m reliant le fort Saint-Jean au quartier historique Marseillais “Panier”.

Crédit image : Laboratoire BABEL – Université de Toulon

Crédit photo : Office du tourime de Marseille
La Structure construite en BFUP
Le bâtiment J4 fondé sur un radier porté au centre par des pieux et en périphérie par une paroi moulée réhaussée par une poutre de couronnement, est constitué d’éléments faits par un béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP). Ce béton particulier ayant une résistance 6 à 8 fois supérieure à celle d’un béton classique (soit entre 150 à 250 MPa), est issu de la recherche française qui est entré dans l’âge adulte en 2016 suite à la publication de normes dédiées. C’est le premier bâtiment dont la superstructure est construite avec le BFUP dans sa totalité.
Cependant, l’utilisation de ce matériau à cette échelle n’a pas été aisée pour les différents acteurs (Maitre d’ouvrages, Maitre d’œuvre, contrôleur technique et entreprises) qui sont intervenus sur le projet. La réalisation de l’ouvrage a mobilisé une forte densité de travail d’ingénierie qui relevait à l’époque, d’une culture de recherche et développement (R&D), donc du stade expérimental. Il a fallu pas moins de dix ATEX (Appréciation Technique d’Expérimentation). Huit pour les éléments en béton, deux pour les façades ont été délivrées par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) aux acteurs (ingénieurs en particulier) pour à la fois, valider les hypothèses de conception et permettre la souscription des assurances nécessaires à la construction et l’exploitation du bâtiment.
Un plancher pas comme les autres
Les planchers sont suivant les portées et les zones, des dalles classiques (pleines en béton armé avec prédalle ou dalles alvéolaires classiques avec table de compression), ou en poutres en forme de I en BFUP mises l’une contre l’autre pour former le plancher en forme d’Oméga (cf fig ci-dessous).
Ils ont la particularité d’être mis en œuvre avant les poteaux par étaiement de façon indépendante des poteaux, compte tenu de la complexité technique de travailler ce nouveau matériau. Ensuite les poteaux posés puis lesdits planchers ont été raccordés à la structure avant le démontage des étais en partant des niveaux supérieurs jusqu’au rez-de-chaussée. Ce procédé de construction a été possible uniquement grâce à l’emploi de la précontrainte par post-tension.

Crédit photo : Agence Ricciotti

Une drôle de forme pour les poteaux
Les poteaux arborescents portant la structure du carré intérieur de 52m de côté, sont situés à l’extérieur du plancher qu’ils portent ; ce système est appelé « exosquelette ». Au nombre de 308, ils sont en BFUP réalisés à partir de 20 moules différents et peuvent atteindre 8m de hauteur. Leur forme organique qui s’apparente à des branches d’arbres (en Y et N voire images ci-dessous), a été obtenue grâce à la composition du BFUP qui a la faculté d’épouser divers moules. La forme des poteaux et le matériaux BFUP servent à reprendre des charges et déformations plus importantes des poteaux en béton ordinaire, et ont nécessité de nouvelles lois de comportement de matériaux spécifiques au BFUP avec des essais réalisés à l’échelle au CSTB pour valider les études des ingénieurs. Les poteaux sont faits en précontraint et jumelés par des croix de Saint-André métallique qui assurent la stabilité des façades dans leur plan.

Crédit photo : AFGC – Mucem et Julie Nicolas/LeMoniteur.fr
Résille BFUP en façade et toiture
Le bâtiment se compose de deux types d’enveloppes pour le grand carré. L’une en dentelle de béton compact (appelée résille). Elle est ajourée au motif de moucharabieh (origine arabe et référence aux influences méditerranéennes), dont sa fonction principale est l’esthétisme et le brise soleil sur le bâtiment pour la protection des œuvres. Celle-ci est en béton fibré ultra-hautes performances habillant les faces Sud et Ouest du bâtiment. L’autre en verre abritant les espaces administratifs dédiés au fonctionnement du musée sur les faces Nord et Est. La façade du cube intérieur est entièrement en verre et est allouée aux expositions des œuvres d’art. Selon l’architecte Rudy Ricciotti, « l’aspect léger, mince, voire fragile du verre et de la dentelle de béton donne l’impression que le bâtiment n’a que la peau sur les os ».

Crédit photo : camecloserblog.com
Les panneaux de la résille de dimensions 3x6m autoportants au nombre de 400 brochés les uns sur les autres, prennent appui sur la poutre de couronnement de la paroi moulée d’une part. D’autre part, ils sont fixés sur les rives montants métalliques des façades vitrées par l’intermédiaire des tangons (bracons) biarticulés aux extrémités pour les maintenir horizontalement. Les tangons sont désolidarisés de l’ossature au moyen de boulonnage avec interposition de rondelles (ressorts) en polyuréthanes, pour conférer à la résille une déformation différentielle admissible avec la charpente. En toiture, les panneaux reposent sur des ossatures métalliques ou pannes en BFUP portées par les potences qui prennent appuis sur le plancher BFUP de la toiture.

Crédit photo : Julie Nicolas/LeMoniteur.fr

Crédit photo : Julie Nicolas/LeMoniteur.fr

Crédit image : UHPFRC 2009 – fib-AFGC

Crédit image : UHPFRC 2009 – November 17th & 18th – Marseille-Cabinet RICCIOTTI
La passerelle entre le bâtiment J4 du MUCEM et le fort Saint-Jean
Longue d’une centaine de mètres, cet ouvrage piéton à 3 travées avec garde-corps structurels (porteurs) est constitué de voussoirs en BFUP de 4,5m de long pesant 13 tonnes chacun. Ils sont préfabriqués en atelier avec des tolérances de l’ordre du 1/10e de mm et 1 /10e de degré et assemblé sur chantier par précontrainte. La post tension des câbles (torons d’armatures) entre voussoirs permet le maintien de ceux-ci entre eux par la force de compression exercée par les câbles pour former un ouvrage continu. Le platelage de la passerelle en dalle de BFUP est raidi par des croix de Saint-André, cavé par des armatures sur les voussoirs pour former de façon monolithique une poutre de contreventement horizontale. La hauteur totale de la passerelle fait 1,8m et franchit 76m de portée grâce à la précontrainte et au BFUP.

Crédit photo : BECS
La travée principale (centrale) de la passerelle prenant appui à 13,5m et 16,5m au-dessus du sol, a été assemblée sur les échafaudages. Une fois les câbles e précontrainte mis en tension, les échafaudages ont été démontés laissant apparaitre une courbure dans le plan vertical de la passerelle (cf figure ci-dessous).

Crédit photo : Charles Agence RICCIOTTI
En conclusion
Nous pouvons retenir que le bâtiment du môle/quai J4 constitue un véritable laboratoire d’innovation de techniques de construction, grâce à l’utilisation d’un matériau (BFUP) de construction jamais utilisé à cette échelle dans le passé. Le BFUP de par ses caractéristiques de hautes performances et de par sa souplesse, a permis de faire des économies de matières en prévoyant le béton uniquement où y’avait le besoin structurel. Cette technologie française réduit également l’empreinte environnementale et développe un circuit court de production.
C’est aussi un ouvrage a très haut coefficient de main d’œuvre qui a mobilisé plusieurs ingénieurs spécialisés et divers corps de métiers pour relever le défi constructif. Cependant et malgré que cette technologie confère aux architectes une certaine liberté de créativité, sont coût de production et de mise en œuvre reste élevé et nécessite une recherche d’optimisation pour garantir un gain financier réel.
Les informations clés
Projet : | Musée des civilisations de l’Europe et de méditerranée |
Maitre d’ouvrage : | Pouvoir public (ministère de la culture) |
Maitre d’œuvre : | Rudy RICCIOTTI et Roland CARTA |
Entreprise : | Vinci construction |
Coût : | 113,4 millions € pour le bâtiment J4 |
Durée des travaux : | 42 mis (2009 – 2013) |
Emprise bâtiment J4 | 16 500 m² |
Surface d’exposition des œuvres | 3 990 m² |
Matériaux superstructure | BFUP (densité 2,65t/m3) et précontrainte |
Matériaux infrastructure | Béton armé |
Fondations | Pieux&Paroi moulée + radier porté |
Nombre de panneaux de résille (en BFUP) | 400 en BFUP |
Poteaux arborescents | 308 en BFUP |
Passerelle | 115m en BFUP |
Résistance à la compression du BFUP | Entre 150 MPa à 250 MPa |
Article rédigé par Mamadou S.
Bibliographie
- Le Mucem ouvre ses portes (culture.gouv.fr)
- https://www.mucem.org/le-mucem/le-mucem-son-architecture
- Inauguration et ouverture du MuCEM (06/06/2013) – Actualités – Médias [VINCI]
- https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/dentelle-de-beton-sur-le-vieux-port.20053
- https://www.arc.ulaval.ca/files/arc/Rudy-Ricciotti_MuCEM.pdf
- dossier_pedagogique_architecture_mucem.pdf
- 7.2_Ricciotti-Portelatine-Nicolas.pdf